jeudi 4 décembre 2008

La porte des enfers de Laurent Gaudé


La porte des enfers, roman / Laurent Gaudé. - Arles : Actes sud, 2008. - 266 p.. - (Domaine français)
ISBN 2-7427-7704-0


Présentation de l’éditeur :
2002, dans un restaurant de Naples, Filippo Scalfaro accomplit sa vengeance : il poignarde au ventre un client puis, le couteau sur la gorge, il le force à l’accompagner dehors, le fait monter dans une voiture, prend la direction du cimetière. Parvenu là, il le traîne jusqu’à une tombe et lui en fait déchiffrer l’inscription. Puis il lui tranche les doigts des mains et le laisse là, saignant et gémissant.
1980, dans les rues encombrées de Naples, Matteo tire par la main son fils et se hâte vers l’école. A un carrefour, soudain éclate une fusillade. Matteo s’est jeté à terre, couchant contre lui son petit garçon. Quand il se relève, il est baigné du sang de l’enfant, atteint par une balle perdue. 2002, après un dernière visite à “tante Grace”, prostituée et travesti qui l’a vu grandir, celui qui a accompli sa vengeance peut enfin quitter Naples et, roulant vers le Sud, partir à la recherche des siens, disparus depuis l’époque du grand tremblement de terre.
1980 : le deuil a édifié peu à peu un mur de silence entre Matteo et sa femme Giuliana. Matteo ne travaille plus. Toutes les nuits, il roule dans son taxi à travers les rues de Naples, sans presque jamais prendre de client. Il sait bien ce que Giuliana attend de lui : qu’il retrouve et punisse le responsable. Mais il en est incapable. Un soir, les circonstances le conduisent dans un minuscule café-bar, où il fait notamment la connaissance d’un Professeur qui tient d’étranges discours sur la réalité des Enfers et la possibilité d’y descendre…
On dit parfois d’un écrivain qu’on l’aime parce qu’on s’est attaché à son univers. Epique et sonore, tragique ou inspiré, celui de Laurent Gaudé comporte tout un monde de ténèbres. Dans les guerres, la pauvreté ou l’exil, l’auteur cherche à faire entendre la dimension solaire dont chaque personnage — habité par sa parole, son vouloir, et comme porté par une incantation à son destin — illumine sa propre trajectoire. Si le thème de la vengeance est présent dans La Porte des Enfers, il n’en constitue pas – loin s’en faut – le motif principal, car la fiction s’en empare pour explorer de tout autres territoires.
C’est dans la conscience de ses deuils personnels que Laurent Gaudé interroge ici la part de vie que nos morts nous volent, mais aussi la part de présent ou d’avenir que nous leur rendons par nos pensées. Ainsi peut s’entrouvrir la porte des Enfers et – comme le raconte dans ces pages le vieux Professeur pasolinien – s’accomplir le rêve de Frédéric II : descendre dans les abîmes, affronter la Mort sur son propre terrain.
Mais dans l’histoire de Matteo, de Giuliana et de leur fils, dans la lente dérive ou la brutale disparition comme dans les expériences des autres personnages aux prises avec leurs enfers personnels, c’est aussi la force du lien (amical autant que familial) qui se confronte à la séparation, à la peine ou au ressentiment.
Rythmé, puissant et captivant, le nouveau roman de Laurent Gaudé revisite le mythe d’Orphée pour opposer à la finitude humaine la foi des hommes en la possibilité d’arracher un être au néant.

Aucun commentaire: